-Excusez moi, je cherche à vendre ma marchandise, mais c'est bien ma première visite à l'Arc. Aussi ma compagnon de route cherche un marchand négrier.

Un marchand négrier? Sans doutes voulait-il parler des types du ravitaillement ou de l'exception : le type qui s'amuse à racheter des antiquités pour les revendre une petite fortune a des collectionneurs.

-Pour votre amie qui cherche un marchand, hormis les types du ravitaillement en armes y a un trafiquant d'organes, si vous avez des tendances cannibales vous trouverez votre bonheur. Il y a aussi un type qui s'amuse à acheter les anciennes affaires des esclaves et on a un collectionneur de babiole en tous genre.

Isabelle jeta un regard en direction de l'esclave que la goule voulait vendre. Elle soupira en voyant l'état de la marchandise : déshydraté, fatigué et sans doutes que son cerveau avait du mal à aligner deux pensées correctes. Cette fille devait fantasmer sur de l'eau en ce moment, pour confirmer ses doutes la négrière prit sa gourde et bût une longue gorgée en prenant soin de prolonger l'instant autant que possible. La captive dévora du regard le liquide quittant lentement son réceptacle pour terminer dans l'estomac de la vendeuse d'homme. Pas de doute, elle allait mourir de soif dans la journée si elle ne buvait pas quelque chose.

Que ferait-elle pour de l'eau?

Isabelle sourit à cette pensée vicieuse, sadique et perverse. Mais elle avait autre chose à faire que de torturer une pauvre femme qui avait la bêtise de s'aventurer seule dans les terres dévastées. De toute façon ce n'était pas digne d'elle, au pire elle pourrait toujours la vendre à un détraqué si elle avait vraiment envie de faire sortir ses pulsions sadiques. Mais elle y arrivait très bien en les exerçants sur ses collègues qui martyrisaient la marchandise. La captive tomba à genoux, le regard perdu, sans doute qu'elle commençait à se vider des dernières gouttes d'eau qu'il y avait dans son corps. Elle devait vraiment être au bout du rouleau pour en arriver là. La négrière lui tendit sa gourde que la prisonnière bût goulûment.

-Parlons affaires, a vu de nez je dirais qu'on peut en tirer entre deux cents et deux cent cinquante anneaux. Trois cents anneaux si on arrive à la rendre mignonne. Après c'est qu'une évaluation, faudra voir avec Rodriguo pour le prix exact.

Rodriguo, le toubib le plus brutal au monde, comment avait-t-il pu devenir le médecin de l'arc? Sans doutes que c'était la personne la plus qualifiée pour ce travail, mais Isabelle préférait encore se soigner elle-même ou avec l'aide de Jeanne quand il le fallait : se faire suturer a vif n'avait rien d'agréable.

Comment a-t-elle pu se faire chopper au fait?

Cette question même si elle était inutile pourrait l'aider à l'avenir dans une chasse.

-Sans vouloir être indiscrète, vous l'avez capturé comment?

Pendant qu'elle écoutait la réponse de son interlocuteur elle s'alluma une cigarette et recula d'un pas, ne voulant pas gêner son client. Elle avait déjà perdu un type comme ça : il s'était en allé par ce qu'elle s'était allumée une cigarette pendant les négociations.

Espérons qu'il soit pas comme ça.

HRP:

- Je suis absolument certain qu'un bon vendeur, ou une bonne vendeuse pourra mettre cette marchandise sur l'étalage pour plus de 280, voir 300 anneaux.
Elle est belle et elle est forte. Je n'essayerais pas de vous entuber, elle a des blessures récentes, mais absolument pas infectées ou quoi que ce soit, ainsi que des cicatrices. Un oeil de marchand voit les défauts, mais cents yeux d'acheteurs ne voient rien.
-A combien proposez vous de me l'acheter ?

Bonne question, sans doutes que la négrière pourrait la vendre pour trois cents anneaux minimums, peut-être qu'elle pourrait monter jusqu'à quatre cents avec un peux de talent et de chance. La goule avait raison, les clients ne verraient rien, ils voulaient juste acheter une marchandise qui leur plairait, quel que soit le prix demandé. Surtout s'il s'agissait d'une femme, combien de fois elle avait envoyé dans les roses quelqu'un qui lui avait ramené un cadeau extravagant pour tenter de la séduire? Deux ou trois fois peut-être... Les hommes n'aimaient pas spécialement que leurs conjointes soient plus fortes qu'eux, si on ajoutait à cela qu'elle était négrière ses amants se comptait sur les doigts d'une main. Au final il n'y avait que ses collègues qui avaient tenté de la draguer.

-Trois cent cinquante anneaux je dirais. Mais faut qu'elle passe devant Rodriguo, sinon moi je vais me faire taper sur les doigts, c'est pas que j'ai pas confiance en vous mais on essaye souvent de nous refourguer des esclaves malades, blessés ou infirme. Mais...

Maintenant qu'il est content passons à la partie la plus dur de la négociation.

Isabelle se racla la gorge, annoncer ce genre de chose n'était pas facile, surtout quand on savait qu'un client sur quatre s'en allait a l'annonce de la nouvelle. La négrière prit une inspiration et commença à expliquer le problème qu'elle avait.

-Le problème est que je ne peux absolument pas vous l'acheter à ce prix-là : Je vous l'achète à trois cent cinquante, je la vends à quatre cents car au-dessus on n'aura plus aucun acheteur. Ensuite on me prend vingt-cinq en taxe diverses. Résultat, l'Arc et vous êtes gagnant d'un beau paquet d'anneaux, et moi je me retrouve avec une poignée d'anneaux.

Façon de parler bien sûr. J'ai encore de la réserve...

D'une façon ou d'une autre il ne s'était pas en aller et si la négrière voulait toucher de l'argent elle devait continuer son discours car elle avait un plan pour gagner de l'argent tout en satisfaisant la goule. De toute façon l'Arc avait assez d'argent dans sa trésorerie pour que ses membres puissent faire quelques magouilles. Isabelle sourit.

-Après ce qu'on le peut faire est que vous me refourguez votre esclave pour une bouchée de pain, je la vends a quatre cent anneaux, je vous refile trois cent vingt cinq, moi cinquante et le reste va à l'Arc.

L'Arc, s'il n'y avait pas les taxes elle pourrait s'en mettre plein les poches tout en satisfaisant la goule. Mais non, il fallait que l'homme macabre demande sa part à chaque vente, en plus de la taxe de cinquante anneaux par mois pour chaque tente.

Peut-être qu'il ira voir un collègue.

Le semblant de morale qui restait à Isabelle la poussa à informer son client de l'éthique de ses collègues de travails.

-Ce que je vais vous dire n'est pas une menace mais un conseil : je dois être l'un des rares négriers qui n'attendent pas le dernier moment pour partir en chasse et mes collègues vous proposeront donc des prix, merdiques en comparaison des miens. Surtout quand on voit la qualité de la marchandise. Et certains n'hésiteront même pas à vous envoyer chier pour vous chopper à l'écart et vous revendre avec la fille. Ca s'est déjà vu. Après si vous n'êtes pas satisfait de mes propositions et que vous ne voulez pas voir d'autres négriers on peut toujours aller dans ma tente et essayez de trouver un accord autour d'un verre. Qu'est ce que vous en pensez?

HRP:

La goule et elle étaient dans sa tente, Laura et Jeanne étaient parties. Ils auraient le droit à un tête-a-tête pour les négociations, la négrière était soulagée. C'était mieux ainsi. L'esclave à vendre se posa sur le canapé, qui était surtout un amas de peau, de l'autre côté se tenait son vendeur qui semblait réfléchir ; il regardait les esclaves entrains d'enterrer deux des leurs. Dire qu'il y a une semaine elle connaissait les deux pauvres bougres qui moisissaient au soleil sous l'oeil de leurs camarades captifs. Ils devaient terminer employés dans une plantation de plantes oasis, une vie rude, mais au moins ils auraient pu garder leur dignité ou ce qui en restait. La femme s'alluma une cigarette en réfléchissant à son discours pour les négociations imminentes, sans doutes qu'il n'allait pas essayer de solder son esclave et tenterait de lui soutirer le plus d'argent possible. Puis la goule commença à prendre la parole, d'un air pensif :

-Je crois... Commença-t-il lentement.
- Je crois bien avoir trouvé un arrangement qui vous conviendra parfaitement.

Puis son regard revint sur les deux macchabées sans tête et aux esclaves.

-Une pensée les tortures. Cette pensée va les torturer encore pendant longtemps, dans leur cage, pendant qu'ils se font violer, dans les tentes, pendant que leur psyché est détruite morceau après morceau par leurs tortionnaires négriers. "Plutôt voir ma tête exploser que de me réveiller encore enchainé", ils se demandent si leur deux petit potes n'ont, finalement, pas fait le bon choix. Dites moi : comment faites vous pour faire cela ? Réduire des individus à de simples objets, sans jamais vous poser la moindre question ? Vous interrogez vous, au moins, sur l'éthique de ce que vous faites?

Plutôt émouvant comme discours.

S'il avait touché la corde sensible de la négrière il n'avait diminué en rien son avis de continuer le métier. Isabelle soupira, le coup des vendeurs qui se rétractent en voyant le traitement des esclaves était fréquents. En général il suffisait d'un discours banal exigeant un achat solder en échange d'un traitement de faveur et un bon propriétaire et le tour était joué. Mais la négrière n'avait pas envie d'assommer la goule en face d'elle de belles paroles suant le mensonge, son client avait dû voir des choses inimaginables et n'était pas dupe.

-Que dire, dit-elle. Nous brisons des vies d'un claquement de doigt, les dealers tuent à petit feu leurs clients, les courtier d'informations vendent aux plus offrants quelles que soient les conséquences de leurs actes. Je le fais car c'est un moyen de vivre, qu'ici j'ai une vie à peux près normale, je réduis à l'état d'objet tout le monde, même si j'ai une préférence pour ceux qui le méritent. Je soigne mon éthique en éduquant une gamine que j'ai recueillie, d'autres questions?

Isabelle soupira, elle espérait qu'elle ne perdrait pas son client.

Que va t-il répondre à cela?

-Là ou j'en viens, c'est que ça, ce n'est pas tolérable. Comme, pour reprendre cette analogie avec le secteur des stupéfiants, il n'est pas tolérable de voir le marché aussi saturé de produit dont la fabrication est aussi honteuse, où l'ont fait passer de la pisse de porc comme excipient pour du psycho !
Restons pragmatique, l'esclavage est nécessaire. Mais ces traitements dégradants sont absolument dispensables ! Ne trouvez vous pas ?

Beau discours, rempli de vérité. Il était vrai que le négrier dehors l'agaçait tout particulièrement, a fatigué les esclaves pour rien. Un idiot de plus a l'arc, la négrière ne pouvait rien faire hormis l'entendre frustrer les esclaves. Elle s'occuperait de ce tourmenteur plus tard, elle avait une négociation à mener et son client lui avait demandé une boisson. C'était plus que compréhensible, après le trajet qu'il avait dû faire, en plus du fait qu'eux deux parlaient depuis un petit bout de temps. La jeune femme chercha dans un coffre des canettes de vin rouge, elle en prit trois et en donna à ses deux "invités" tandis qu'elle commençait déjà à attaquer la sienne.

-Je suis désolé mais je n'ai que ça. Pour reprendre ce que vous avez dit ; il est vrai que l'on est haï alors que c'est grâce à nous que Lutèce est si florissante. Mais nous savons que le moment venue nous serons classés comme les autres gangs des terres désolés alors on profite en attendant ce jour. Concernant le traitement des esclaves il est vrai que les traitements dont ils sont victimes sont affligeants : mais les gens préfèrent défouler leurs pulsions sur ceux qui ne peuvent pas se défendre. Ses propres à l'homme de martyriser plus faible que soit : j'ai vu un fermier fouetter une esclave car elle avait cassé un oeuf. Le résultat est que mon éthique quasi inexistante n'a pas supporter, ce type à terminer esclave à son tour.

C'était une aberration de parler de moralité alors qu'elle privait délibérément autrui de sa liberté pour de l'argent. Toutefois elle s'abstint de dire cela, inutile de charger la conversation de détail inutile. Isabelle prit une gorgée de sa boisson avant de continuer. Plus elle parlait plus elle avait soif, et le vin n'arrangerait sans doutes pas les choses, mais au moins elle n'aurait plus la bouche pâteuse pour un temps.

-Pour être honnête j'ignore totalement les problèmes que subit l'industrie du stupéfiant, mais je suppose que ce sont les mêmes que dans les autres secteurs : contrefaçon, arnaque, produit pas en état au moment de l'utilisation. Si vous voulez mon avis le problème vient surtout dû fait que les différentes compagnies de chasseurs, récupérateurs et autres font absolument n'importe quoi pour amasser du fric tandis que si l'une des entreprises réussies a dominé le marché -comme c'est le cas du trident- celle-ci s'amuse à faire n'importe quoi en raison de son mono...

Bougez-vous! Je veux que ces trous soient remplis avant la fin de la journée!

Ta gueule! Je veux négocier en paix! C'est trop te demander espèce de débile mental?

Cet homme était l'exemple même des petits dérapages qui salissaient la réputation de l'arc : des petits tyrans qui traumatisaient les esclaves, l'incarnation même du manque de professionnalisme et du sac à vin qui se croyait tout permis. Isabelle regrettait presque que l'homme macabre n'ait pas interdit de dresser de cette façon la marchandise. A cause de cela les négriers avaient une réputation de barbare sanguinaire qui faisait ce métier par plaisir pour la violence. De plus ce tas de viande ayant pour passion d'injurier les esclaves commençait à sérieusement entamer la patience de la négrière. Même si elle ne laissait rien paraître la femme commencé à en avoir assez des méthodes de ce type. Qu'il beugle après les esclaves ne l'énervait pas tant, mais qu'il fatigue la marchandises pour rien était -d'un point de vue commercial- inacceptable. Même d'un point de vue subjectif la négrière n'arrivait pas à cautionner ce genre de méthode barbare et vicieuse.

-Ce qu'on vient d'entendre est l'exemple même de l'un des nombreux dérapages auquel doit faire face l'Arc. C'est aussi ce genre de type qui ternit notre réputation, en plus de perturber notre discussion. Hélas on doit faire avec, dans vos activités vous avez aussi ce genre de "problème"?

-Hé bien je dis : 200. Vous avez dis pouvoir la vendre le double, et je vous crois bien, croyez moi. Sauf que, à ce prix d’achat là, je vous demanderez une faveur.

Evidemment, pour qu'il fasse une réduction sur sa part il fallait qu'il demande une faveur, toutefois elle n'avait rien à refuser : elle était gagnante sur tous les tableaux et c'était la moindre des choses d'accomplir la faveur d'une goule qui vous cédait à moitié prix une esclave de cette qualité. Ne restait plus qu'à savoir qu'elle serait sa demande.

-Pas dans un bordel, pas pour un psychopathe. Elle est forte et endurante, parfaite pour travailler dans une plantation. Je sais que les fermes et les élevages de l'Ouest ont de plus en plus besoin de main d’œuvre à mesure que leur ranch s'agrandissent, car la population de Paris s'agrandit. Pour ce prix là je vous demanderez donc de la vendre à une de ces personnes.

La vendre à un paysan alors, c'était dans ses cordes et elle avait une occasion qui allait se présenter ce soir. La goule pouvait sans doutes attendre une heure ou deux, pour deux cents anneaux il pouvait le faire. La négrière reprit une gorgée de sa canette qu'elle devait avoir entamé à moitié, pour l'instant la conversation était relativement intéressante.

-Je vois, et je comprends votre volonté de l'envoyer dans une ferme. Je ne peux pas l'envoyer aux enchères à cause de ça, mais j'avais un arrangement avec un fermier qui voulait deux esclaves frais et en bonne santé pour ce soir. Comme l'un des deux à perdu la tête, (elle se racla la gorge) pardonnez-moi ce trait d'humour mal placé, je peux envoyer votre esclave à sa place. Comme je comptais lui vendre le lot de deux à six cents anneaux tout le monde sera satisfait. Vous, le fermier, moi. Il devrait arriver tôt dans la soirée, si vous voulez vous assurer de l'avenir de votre esclave vous pouvez toujours assister a la transaction.

Elle avait tout dit, intérieurement la jeune femme était partagée : cette goule voulait que son esclave ne finisse pas traumatiser ou morte, mais pourtant il avait délibérément décidé de la vendre comme esclave. Sans doutes qu'étant donné l'absence de prison la vente à un fermier devait servir de substitue. Son client avait été juge, juré, et bourreau et pourtant il n'avait pas succombé à l'envie de lui faire subir bien pire qu'elle méritait.

Un type plutôt bien si on compare avec le reste des terres désolées.

Isabelle s'abstint de faire la remarque, elle n'était pas ici pour faire un cours sur la morale dans ce monde morbide et glauque. La négrière reprit une gorgée de son vin, aurait-elle été capable d'un tel acte d'impartialité si elle avait été à sa place?

Je dirais bien oui, mais je ne suis même pas sûr que c'est la vérité.

Combien de fois elle s'était battue pour défendre un collègue ou sa réputation de battante, beaucoup de fois. Mais jamais elle ne s'était vraiment interrogé sûr ce qui est juste ou bien pour ce monde ravagé. De plus, si elle commençait à se préoccuper à ce point de son éthique elle pourrait bien perdre ses chances de prendre la place de l'homme macabre.