Le groupe était arrivé à Métrop' sans encombre, aucune trace de négrier sur le trajet et dans la ville. Du moins à l'endroit où ils se trouvaient, Isabelle s'alluma une cigarette en voyant la foule, trouvé Ballard allait être dur. D'autant plus que le trident ne laisserait certainement pas une renégate dans son genre consulter l'un des lieutenants de Médéric. Malgré tout elle devait tenter le coup, pour Laura, elle et surtout pour mettre sa vengeance à l'oeuvre. Heureusement, l'ancienne négrière n'était pas seule : Jeanne et la maquerelle étaient aussi là en tant qu'enquêteuses pour retrouver la traces des hommes de Malherbe. En guise de garde du corps il y avait Damien et son cousin, qu'elle avait convaincu de ne pas se shooter, au moins le temps de rencontrer Ballard (où quelqu'un qui pourrait le trouver).


Vingt minutes étaient passés, Isabelle et ses deux gardes du corps déambulaient dans les champs-Élimés en quête de Ballard où d'un membre du trident. Ce fût finalement après avoir trouvé un dealer qu'ils trouvèrent Ballard dans un bar, sans doutes à courir les filles, mais cette fois-ci, s'il voulait se taper la négrière il faudrait déjà qu'il ne se laisse pas distancer. Isabelle aimait faire courir les hommes, mais inutile de conserver un flou entre Ballard et elle. Pourtant ce fût autre chose qui vint frapper l’œil d'aigle de la renégate : la Malebranche était ici, sans doutes pour tuer Ballard. Mais il ne mourrait qu'une fois qu'elle saurait ce que le trident comptait faire, surtout que Franck avait un rôle qui le dépassait dans cette affaire personnelle que constituait l'Arc et Jager. L'ancienne négrière s'installa à côté de Ballard, sans toutefois pouvoir troubler la ligne de tir de la tatouée. De toute façon elle n'était pas venue pour le sauver de sa connerie et coucher avec lui était plus qu'optionnel.

-Vodka! Grogna-t-elle au barman.

Après s'être fait servir elle avala d'une traite son verre avant de se tourner vers le lieutenant du trident, sans aucune retenue, elle lui demanda :

-J'ai besoin de ton aide Ballard. Et je n'ai pas le temps que tu réfléchisses : j'ai besoin des yeux et des oreilles du trident pour deux choses : trouver une certaine Laura Jager et deux hommes : des types à la solde d'un mec masqué "Malherbe". Je suppose que tu dois connaître Louis-Marie le Dingue, vu le nombre de flacons de dopes qui circulent à ses petites fêtes.

Franck Ballard, membre du Trident et célibataire venait de passer la soirée à draguer au Moulin Rouge. Il avait jeté son dévolu sur Fleur Émeraude, la danseuse la plus en vogue du moment qui comptait un nombre impressionnant de prétendant que la peste prenait plaisir à rejeter. Elle était grande, blonde, pulpeuse et parfaite en tous points.
Après son show, Franck était parti à sa rencontre dans les coulisses que ses relations aux Moulin lui laissaient libre d'accès. Il avait tout essayé, lui sortant ses plus belles phrases d'accroches, lui promettant mille et une chose, lui disant les plus beaux compliments, lui montrant ses faiblesses... rien ne fonctionna et la belle renvoya le lieutenant du Trident à son célibat.
Vexé, il avait alors dragué l'une des danseuses de Fleur Émeraude, une moche trop maigre pour avoir des seins mais juste assez pour avoir un gros cul, et l'avait ramené avec lui dans son antre des champs élimés. La chose avait été facile, un petit compliment sur ses beaux yeux et voilà qu'elle était déjà sous le charme du célibataire. Celui ci en fut un peu déçu, ça lui retiré toujours un peu l'appétit quand le gibier était trop simple à trouer.

Quand il arriva dans son bar habituel avec à ses bras sa conquête du soir, il put voir le petit sourire narquois du barman lui disant qu'il avait pêché un thon plutôt que le poisson doré qu'il promettait auquel les yeux de Ballard répondait un « ta gueule ».
Il avait donc décidé de se noyer dans l'alcool plutôt que dans la cyprine et sa pêche pas fraîche du soir, énervé par le silence de son pêcheur, partie dans les chiottes du bar.
Le célibataire avait bien vu la personne assise à côté de lui, mais trop déprimé par cette sale soirée il ne l'avait pas plus remarqué que ça.

« Hey Franck tu vas rire, en fait c'est un homme ! »

Ballard ne rigola pas du tout, regardant le barman d'un air mauvais.

« Roh ça va Franck je rigole ! Détend toi, ça arrive à tout le monde de rapporter des thons dans ses filets.
- Mais c'est même pas un thon là... c'est une botte... »

Le barman s'esclaffa avant que la négrière ne fasse son entrée.
Ballard n'était pas trop sur de la reconnaître, finalement il ne l'avait vu qu'à la vente du Maréchal il y avait déjà plusieurs semaines et ne se souvenait -ou n'avait jamais su- son nom.
Elle but d'une traite le verre que lui servit le barman et déblatéra un long monologue à l'adresse de  Franck qui, surprit, resta les yeux grands ouverts jusqu'à la fin.

« Ah merdeeee...
C'est toi celle qui a foutu la merde à la dernière soirée du dingue ? J'en ai entendu parler ! »

Franck vit alors le moignon de la négrière et détourna rapidement le regard, un peu dégoûté, qui se posa sur sa conquête qui revenait, pour le dégoûter encore plus.

« Excusez moi, j'étais assise là, dit-elle avec sa voix de crécelle.
- Dégage Gisèle tu vois pas que je discute.
- C'est Margaux connard ! »

Elle tira son manteau qui était resté sous les fesses d'Isabelle et quitta le bar.

« Désolé pour ta main. Ça doit être moins facile pour... pour faire... des trucs... avec ta main... 
Évidemment que je connais Louis-Marie, tout le monde connaît Louis-Marie ici.  Ce connard de Louis-Marie... ce type a résilié le contrat qu'il avait avec le Trident, soit disant qu'il aurait trouvé mieux ailleurs. J'aimerais bien savoir où il trouve de la meilleur dope que chez le Trident ce con.
J'ai jamais entendu parler d'une Laura machin ou d'un type appelé Malherbe. Pourquoi tu veux savoir tout ça ? Je veux bien t'aider, sûrement que d'autres du Trident en savent plus que moi, mais tu sais, rien n'est gratuit par ici. Et je ne te parle pas forcément d'argent. »

Franck Ballard retrouva son sourire charmeur légendaire.

Spoiler:

Zoé, qui avait choisi comme nouveau nom d'ange déchu Akhaten, avait retrouvé sa cible à un moment crucial. A quelques secondes près, elle serait passée à côté d'une conversation d'un grand intérêt. A quelques mètres de là son acolyte se demandait certainement ce qui pouvait la retenir. Celle-ci garda ses pensées concentrées sur la petite croix au centre de la lunette de son viseur et se préparait à décocher à la moindre incartade. Pendant ce temps, le sujet le plus important était sur la table : Louis-Marie le Dingue. Cette ordure de première classe s'était bien jouée d'elle. Et même si elle avait le sentiment qu'elle n'avait pas été la cible principale de sa chasse à l'homme, elle conservait une certaine rancœur à son égard. Sans en arriver à la volonté d'une vengeance basse et malsaine, il restait le chapardeur d'un trésor qu'elle comptait bien récupérer, que ce soit en main propre ou sur son cadavre. La négrière par contre devait nourrir un tout autre sentiment, c'est en tout cas ce que pouvait laisser deviner l'absence de sa main droite. Le séducteur attendrait son tour, il y avait des occasions à ne pas rater. D'autant que la situation ne se prêtait plus tant à l'enlèvement qu'à l'espionnage. Il fallait parfois savoir faire preuve de tempérance avant de frapper encore plus fort; c'était comme prendre son élan.

Akhaten écouta attentivement en se remémorant les informations qu'elle avait en sa possession. Tout d'abord, elle connaissait la cause de cette résiliation de contrat, tout comme Isabelle d'ailleurs. Aucun intérêt dans ce cas. Parmi les noms cités, un seul la fit tilter, celui de Malherbe. Celui-là c'était sacrifié pour la sauver. Quelle erreur de ne pas avoir suivi plus longtemps ses hommes masqués ! La Malebranche s'était laissée submerger par des états d'âme et avait laissé passer un renseignement plus qu'utile maintenant. Qu'importe, elle ne pouvait pas savoir et cela ne l’empêcherait pas de tirer son épingle du jeu qui était en train de se mettre en place. Laissant son esprit divaguer à la recherche d'idée, la tatoué remarqua un petit coup d’œil de la rouquine par dessous sa capuche. Ça ne faisait aucun doute qu'elle était démasquée, pourtant il n'y eu aucune conséquence. Voilà un comportement étrange, quoi que rassurant. Apparemment, sans pour autant lui accorder la moindre confiance, Zoé se voyait enlever une minuscule épine du pied. Elle commanda un second cocktail et profita de cette instant pour adresser un regard du coin de l’œil à son approximative complice. C'était de cette manière qu'avait commencée leur précédente collaboration, cependant de l'eau croupie était passée sous les ponts par la suite et la conclusion avait été un véritable fiasco. Ajoutez à cela un passif bien pourrie lors de la réunion de psychotique du Maréchal : il était impossible de compter pleinement sur elle. Son unique amie fidèle restait Adora et ses carreaux empoisonnés en attendant de voire l'évolution.

Une tirade et une tentative d'approche incroyable, elle se serait volontiers jeté dans ses bras mais par un coup du sort elle ne s'était pas envoyé un tonneau d'alcool, ni même un kilo de coke. La baise attendrait et si Ballard n'était pas capable de le comprendre elle s'orienterait vers quelqu'un d'autre pour les renseignements, ce n'était pas ce qui manquait par ici. Malgré tout, le lieutenant du trident ne devait pas avoir compris l’intérêt de la séduction étant donné qu'il proposait tout simplement une nuit avec lui contre des informations. Sur le coup, la renégate aurait giflé si violemment Ballard qu'il en serait tomber par terre, mais c'était inutile d'user de la violence. Elle était manchote et avec un bras en moins elle aurait bien du mal à détruire l'armée privée de l'organisation.

-Non.

Isabelle sourit en voyant la mine de charmeur de son interlocuteur se briser comme du verre après un grand coup de masse. Laisser les hommes la désirer, voilà ce qu'elle aimait faire, surtout pour leur briser le cœur ensuite, mais elle ne pouvait pas faire ça.

-Laura Jager, mon apprentie fidèle et dévouée au point qu'elle a décidé d'adopter mon nom de famille, est disparue. D'une façon très étrange ça coïncide parfaitement à mon retour de la fête du Dingue, à une semaine prêt. Malherbe est un cadavre pourrissant dans un faussé, et il fait parti avec moi de ceux qui ont animé plus que d'excès la fête du Dingue. Malgré tout, il a deux hommes en liberté que Louis Marie veut mort pour une belle somme.
Concernant ce payement, eh bien.

Lâche toi, après tout il vient de jouer franc-jeu alors autant aller jusqu'au bout non? Lança l'orgueil.
Jouons plutôt Franck-jeu non? Continua l'humour.
TA GUEULE Intimèrent à l'unisson les autres personnalités.

-Disons qu'il y a peine deux semaines je me faisais passer dessus par vingt mecs chacun leur tour pendant que moi j'étais attaché. Alors non, la baise ce sera pour plus tard. Répondit Isabelle d'un ton glacial. Ballard, mes projets dépasse la simple idée de retrouver une rouquine de 17 ans où de tuer deux mecs pour 1000 anneaux, mais bien de prendre une revanche et de faire basculer d'un coup de pied l'équilibre des puissances. Alors parlons des autres moyens de payements, t'as jamais voulu savoir ce qui se tramait derrière les murs de l'Arc.

Spoiler:

Le sourire de Ballard s'était effacé avec le récit d'Isabelle. S'il ne semblait pas touché par sa mésaventure il donnait l'impression d'être concerné.

« J'ai entendu les rumeurs sur la dernière soirée de Louis-Marie. Désolé. Sincèrement.
Pour avoir déjà été à l'une de ces soirées je sais ce que tu as du endurer.
Si le Trident peut tirer un avantage de ton projet je veux bien t'aider et surement que le Baron le voudra aussi. Il n'a jamais été facile de commercer avec l'homme Macabre, il est si imprévisible et parano. Si on peut prendre plus de part dans les affaires de l'Arc ça ne peut être qu'une bonne chose pour nous.
Dit moi en parlant affaire. Tu as des renseignement sur les crétins avec qui Louis-Marie a fait affaire pour la dope ? C'est un marché important qu'ils nous ont... »

Ballard fut arrêté par deux imposants mastodontes en costume d'avant guerre crasseux. L'un d'eux, portant un chapeau d'où tombaient des cheveux gras qui luisaient à la lumière du wagon-bar s'avança et prit la parole.

« Chef. C'est votre frère, il veut vous voir.
- Tu vois pas que je suis en pleine discussion là ?
- Vous pouvez laisser votre prostituée ici, on la garde pour vous.
- Ma prostituée ? »

Ballard éclata de rire.

« Non je vais plutôt l'emmener et la présenter à mon frère. Il est où ce con ?
- Il vous attend prés de la fabrique 8.
- Okay. Madame, poursuivons cette conversation en chemin je vous prie. »

Le lieutenant du Trident tendit un bras à Isabelle pour qu'elle s'y accroche, puis ils sortirent du bar pour s'enfoncer dans les méandres des Champs Elimés accompagnés par les deux molosses de la mafia.

« Alors ma chère. Vous alliez me parler de ces types qui ont vendu de la drogue à Louis-marie. A quoi il ressemblé ? Vous avez entendu leurs noms ? C'est comment le votre d'ailleurs ? Je crois que vous ne me l'avez jamais dit. »

-Alors ma chère. Vous alliez me parler de ces types qui ont vendu de la drogue à Louis-marie. A quoi il ressemblé ? Vous avez entendu leurs noms ? C'est comment le votre d'ailleurs ? Je crois que vous ne me l'avez jamais dit.
-Isabelle, mais entre-nous, vous pouvez m'appelez Célia.

La renégate s'assura que les gardes du corps n'avaient pas les oreilles trop indiscrètes et continua :

-Je n'ai aucun renseignement sur ceux qui ont vendu de la dope à Louis-Marie, et j'ai un semblant de piste mais aucune preuve : il y a environ trois mois, je suis allé acheté du psycho à un dealer, pas du trident je crois. Un mec parano qui surveille toujours ses arrières, mais si sa marchandise est telle qu'il l'a décrite, car la transaction a été interrompue, je pense que ce type est celui qui fournit Le-Dingue : les invités étaient littéralement déchaînés et les mecs qui me fonçaient dessus mettaient bien quatre secondes à s'écrouler, même après une balle dans le coeur.

Son visage se durcit, la suite de son récit allait être plus, éprouvant à raconter. De plus, et même si c'était impossible, elle avait peur que le frère de Ballard soit un négrier ou un chasseur de primes. Pourtant elle laissa tomber ses doutes pour le moment et se lança dans le point "chaud" de ce qu'elle savait. Ce qui lui permettrait d'avoir des informations.

-Je vais faire court car avec les gens autour, nous ne sommes pas à l'abri d'oreilles indiscrètes : de mon retour de la soirée de Louis-Marie, Macabre m'a mise en cage. Car "j'en savais trop", là où tout devient intéressant, c'est ce que je sais, Macabre et Petiot seraient prêts à tuer pour ce qu'il y a dans ma tête. Avec les choses que j'ai vues, et qu'une de mes associées connaît, on peut tenir l'Arc par les couilles, ou si tu donnais ses infos à la FNF, ils seraient catalogués comme de vulgaires psychotiques. Mais le problème et qu'il faut que je connaisse ce qui est advenu des deux hommes de Malherbe et de Laura Jager. L'une est un moyen de pression sur moi tandis que les deux autres me permettront de me payer un bras mécanique. Ballard, j'ai passé tellement de temps à côté de Macabre et à l'Arc que je pourrais te tracer une carte entière de la zone les yeux fermés. Si mon projet réussit, une alliance entre le trident est peut-être envisageable. Mieux encore, l'Arc est vulnérable aux espions car je ne suis plus là : c'est moi qui tuais les espions qui s'infiltraient et assassinait les témoins gênants. La preuve est qu'ils ont doublé la sécurité, mais c'est impossible que le contre espionnage soit déjà en place a cent pour cent. Le trident à une opportunité pour avoir un oeil de plus près là bas.

Peste blanche ! Le couple était en train de lui échapper. Akhaten n'avait pas la moindre idée de ce que pouvait être cette fabrique. Et si elle était férocement gardée ? Il ne fallait pas les perdre de vue. Zoé fit un signe discret de la main pour indiquer à Juno de continuer à les suivre. Elle sortie du bar un peu plus tard et, tendis que la conversation s'éloignait dans les profondeurs des Champs Élimés, la retrouva.

-Je n'ai pas pu agir, confessa-t-elle. Il y a eu un changement de programme lorsque cette femme, une ancienne connaissance, est arrivée. Elle est venue proposer à notre cible une affaire qui semble dépasser la simple affaire de vengeance. Louis-Marie le Dingue dont je t'ai déjà parlé serait impliqué aussi. Ils sont partis maintenant, mais ce serait dommage de ne pas essayer d'en apprendre un peu plus. Je suis loin d'être aussi agile et discrète que toi alors le mieux serait, je pense, que tu continue à les suivre autant que possible.

-Attends un peu, grimaça Adora. Tu es sure que ça ne nous dépasse pas un peu aussi ? Je veux dire que si il y a un complot dans l'aire, nous ne serons pas les seules sur le coup.

-Rien ne nous dépasse Juno, reprit la tatouée sur d'elle. Je te demande de ma faire confiance. Ne les perds pas de vue, mais ne te fait surtout pas remarquer. Au moindre problème met toi à l'abri sur nos terres. Quoi qu'il en soit, rendez-vous en Enfer dans vingt-quatre heures.

-D'accord, hésita la sorcière. J'imagine que tu as de bonnes raisons... Et toi ? Qu'est ce que tu vas faire pendant ce temps ?

-C'est une piste inestimable vers la Lame du seigneur de l'Apocalypse, assura l'élue. C'est plus important que tout le reste. Moi je vais aller rendre visite à quelqu'un qui peut nous aider. Tu n'auras qu'à marquer les lieux où tu passeras d'un pentagramme : si il t'arrive quelque chose je pourrais remonter jusqu'à la fabrique 8 où ces deux là se rendent.

Les Malebranches acquiescèrent une dernière fois pour signifier leur accord l'une avec l'autre puis mirent leur plan à exécution. Adora se tapis dans l'ombre et fini par disparaître aux yeux de son amie. Elle filait dans la plus grande discrétion le mafieux et la renégate, mais ne prit pas le risque de s'approcher assez pour entendre ce qu'ils se disaient. Pendant ce temps, Akhaten quitta Métropolitopia et prit la route de Nécrotopia.

Célia ou Isabelle ? Franck Ballard ne chercha pas à comprendre le rapport entre les deux noms, mais soit, il l'appellera comme elle voudra.

« Très bien Célia. On peut se tutoyer maintenant. On est comme qui dirait, des "amis" non ? »

Un large sourire s'afficha sur le visage du lieutenant.
Puis il écouta les informations que lui donnait Isabelle.

« Un mec parano ? Ça m'étonne pas ça, le gars doit chier dans son froc à vouloir concurrencer le Trident. T'as un nom ? Il ressemble à quoi ce type ? »

Il écouta le reste du récit d'Isabelle et quand elle eut fini il s'arrêta.

« Donc si je comprends bien on t'a mit à la porte de chez toi ? Tu as quelque part où loger ?
J'ai un grand appartement ici. Si tu as besoin de te reposer il t'est ouvert.
Non ne me regarde pas comme ça. Je sais faire la différence entre une conquête et une associée, je te sauterait pas dessus si on travail ensemble.
Si tu veux je peux te faire rencontrer le Baron demain. Je suis sur qu'il saura quelque chose sur Laura et sur les deux types que tu cherches. En échange tu n'auras qu'à lui parler de ce dealer qui nous a remplacé chez Louis-Marie, la Baron n'aime pas trop la concurrence. »

Pour une fois, Ballard semblait "romantique", mais l'offre qu'il fit à la renégate fit sourire Isabelle qui écouta attentivement son interlocuteur. Mais rester trop longtemps au même endroit était dangereux aussi bien pour elle que pour ses connaissances, d'autant plus que Métrop' était un nid de vipère et que l'on ne pourrait pas la retrouver s'il elle disparaissait ici.

-Je suis flattée de l'offre Ballard et j'apprécie, sincèrement, mais je tiens à te prévenir que je ne pourrais pas rester longtemps : Macabre doit avoir lâcher une armée de chasseurs de primes et de négriers pour me ramener et il vaut mieux que je reste en mouvement. Mais oui, j'accepterais avec joie de rencontrer le Baron demain. Par ailleurs, je voulais savoir, le trident considère comment l'Arc de triomphe et ses négriers?

Même si la survivante enrageait de l'admettre, elle demanda d'une petite voix :

-Une attitude particulière à avoir avec le baron? Des sujets de conversations à éviter?

La renégate hurlait intérieurement de devoir se rabaisser à se montrer aussi sympathique et "gentille", elle qui d'habitude enfonçait des portes et allait au vif du sujet sans même passer par les politesse. En plus de faire une exception, Isabelle ne serait même pas sur son terrain de prédilection lors des négociations : ce serait son éloquence et son sens des affaires face au trident.

-Dis moi, la fabrique 8, ce n'est pas un lieu secret du trident? Quand je travaillais pour le trident je n'ai jamais entendu parler de quelque chose du genre. D'autant plus qu'un lieutenant du trident qui amène une étrangère recherché de surcroît, je ne sais pas si le Baron apprécierait.

« Ne t'inquiète pas pour ta sécurité, mon appartement est l'un des endroits le plus sûr de Paris. Aucun chasseur de primes ne viendra sur le territoire du Trident. Peut être qu'on en a pas l'air avec nos beaux costumes, mais nous sommes puissants et craint dans tous Paris. »

Ballard ouvrit sa veste et plongea sa main dans la poche intérieur pour sortir un petit paquet de Radapple. Il prit une cigarette et en tendit une à Isabelle avant de se tourner vers ses deux gardes du corps qui les suivaient toujours. L'un d'eux se précipita de sortir un briquet pour allumer le tabac de son chef et sans un merci celui si reprit la conversation.

« Je crois que le Baron et l'Homme Macabre ne s'entendent pas très bien et depuis que Macabre a prit le contrôle de l'Arc les relations entre le Trident et les Négriers ne sont plus aussi bonnes qu'avant. Macabre est un brillant marchand et le Baron n'aime pas trop qu'on discute les prix.
Je peux te dire que si le chef de l'Arc venait à changer le Baron en serait très heureux. »

Il tira une taffe, faisant rougir le bout de sa cigarette dans la pénombre du métro. Il fit un signe à la négrière pour lui signifier qu'ils tournaient ici et le couple obliqua dans une rame perpendiculaire à celle qu'ils suivaient jusque là. Ils remontèrent sur un quai où une goule en guenille tendit un bras nécrosé. Ballard lui lança un anneau.
Ils continuèrent à marcher, la fabrique numéro 8 était en vue.

« Tu sais à quoi ressemble le Baron non ? Crois moi, toutes les rumeurs qui tu as entendu sur son physique son vrai, le Baron est la preuve vivante qu'il ne faut pas abuser du MagX.
Surtout, regarde le bien dans les yeux. Pour quelqu'un qui n'est pas habitué sa vue est difficilement soutenable, mais il déteste quand les gens détournent les yeux alors garde les bien fixé dans les siens. Evidemment, évite toutes réflexions sur son apparence...
Sinon le Baron est quelqu'un d'intelligent, parle lui de ce que tu sais sur nos concurrents et il pourra te parle de ce qu'il sait. »

Ils arrivèrent devant une porte qui menait dans une ancienne salle de maintenance. Il n'y avait aucune inscription ni autres signes, rien qui montrait que c'était un bâtiment du Trident.

« Voilà la fabrique 8. La fabrique a deux ans tout au plus. C'est pas un lieu secret. A quoi bon le garder secret ? Personne n'oserait s'aventurer jusqu'ici.
J'ignorais que tu avais travaillée pour le Trident. Tu y faisais quoi ? »

Il ouvrit la porte et ils pénétrèrent dans un petit corridor où un homme les attendait en tremblant. Il semblait particulièrement stressé. Isabelle ressentit un petit picotement dans les narines, le couloir empestait et plus elle approchait de l'homme et plus elle se rendit compte que l'odeur infâme provenait de lui. Il portait un t-shirt gris crasseux et un bonnet qui recouvrait ses petits yeux de rat où deux trous avaient été découpés pour lui permettre de voir. Sa voix résonna dans l'étroit couloir.

Spoiler:

« Franck ! Franck ! On les a vu ici !
- Célia, je te présente mon frère, Jordi, surnommé le Prince. Me demande pas « prince de quoi », j'en sais rien. Calme toi Jordi, qu'est ce qu'il t'arrive ?
- Elles sont là pour moi !!
- Qui ça ?
- On a aperçu la femme démoniaque dans les Champs Elimés et on est venu me prévenir.
- Encore cette histoire de dague ? Ça fait déjà plusieurs semaines, c'est du passé tout ça. Tu te fais du soucis pour rien et de toute façon personne n'est assez bête pour venir sur le territoire du Trident.
- C'est qui cette femme ?
- Célia, une amie.
Jordi a volé une dague aux Malebranche le mois dernier pour le compte d'un marchand de l'Arc justement, tu dois le connaître, un mec qui s'occupe d'antiquités. Sauf qu'une idiote de Malebranche a mené l'enquête et est remontée jusqu'à ce petit con.
- Ne lui raconte pas tout Franck ! Elle travaille peut être avec la Malebranche !
- Non Jordi, je connais assez Célia pour te dire qu'elle n'aime pas trop non plus les Malebranches. Tu n'as pas à t'en faire. Ce ne sont que des sales pouilleux qui ne sortent jamais de leur trou. J'ai été maudit par l'une d'entre elle et bas j’attends toujours de voir ma punition. Ils n'ont que de la gueule ces types là, tu ne crains rien Jordi. »

Franck émit un rire gras puis posa une main sur l'épaule de son frère.

« Rentre chez toi Jordi. Prend une douche aussi. »

Le Prince sortit du couloir pendant que Franck s'essuyait la main sur sa veste, puis il se tourna vers Isabelle.

« De quoi on parlait déjà ? Ah oui, tu faisais parti du Trident alors ? Tu connais un peu le milieu non ? Bizarre qu'on ne se soit jamais croisé avant. »

Adora prit le risque d'approcher un petit peu plus de l'entrée de cette fameuse fabrique numéro 8. Elle profita d'une ombre profonde portée assez près de l'ouverture pour tendre une oreille attentive à la résonance des voix dans ce qui semblait être un étroit couloir. "Ce ruffian ne perd rien pour attendre !" s'exclama-t-elle en elle même. L'outrecuidance de Franck Ballard finirait par le perdre. Il était si confiant de son système et encore plus de lui qu'il était difficile pour la sorcière de résister à l'envie d'entrer dans ce hangar pour éliminer toute trace de vie à coup de poignards empoisonnés. Pourtant, elle ne céda pas à la tentation. Pas cette fois ci... Il y avait des révélations en cascade. Ce Prince ne lui était pas étranger. Au cours de ses récits, Zoé lui avait parlé de ce scélérat. Elle ne l'avait jamais vu, pourtant la fureur de son ami s'était imprimée en elle. Ces types feignaient une relative insensibilité face aux souvenirs qu'ils gardaient en eux des Malebranches, mais le simple fait qu'ils n'aient pas oublié était une preuve de leur angoisse. Car au fond d'eux s'était gravée la marque des ténèbres, celle qui hantait leur esprit pour les préparer à l'abattement de leur sentence. Tôt ou tard, le couperet tomberait. Ce temps n'était peut être pas ci loin; c'est du moins ce que ressentait Juno. Une chose était sur : le moment fatidique n'était pas encore venu. Il semblait que sa présence aie éveillé des soupçons. Lorsque Jordi passa le pas de la porte, un choix rapide s'imposa. Fallait-il suivre le voleur ou le couple ? La rouquine et le maudit se lançaient visiblement dans une série de révélations qui pourraient s'avérer plus qu'utiles. Cependant, la Lame était plus importante que tout, Akhaten était l'élue, elle en était persuadée, elle savait ce qu'elle faisait. Alors elle prit la suite de cet vermine de Prince et le suivit jusque chez lui.


Jordi Ballard n'était pas réellement un membre du Trident. Il n'était qu'une petite frappe, un truand, un chapardeur. Ses talents de maraudeur étaient mis au service d'un homme dont la seule ambition était de toucher sa dose de mentat vitale. Il ne nourrissait pas vraiment d'ambition et se contentait de triper son existence en attendant sa fin. Son frère était, bien entendu, un élément centrale de son rythme de vie. Il lui offrait protection contre la plupart des criminels tant qu'il n'en faisait pas les victimes de ses rapines. C'était un atout incomparable en Postapocalypsia, mais par manque de chance ou d'habileté, ou peut être de conviction, il restait inlassablement un raté. Son wagon-logement était surement financé par le frangin tant il était plus spacieux que ce qu'il pouvait de permettre. A part ça il était parfaitement conforme au personnage. De l’extérieur le rythme était donné. Une succession de lourds sac poubelles encombrait l'entrée. Très vite on apercevait les tas d'ordures qui poussaient sous les fenêtres. La diablesse s'approcha à petit pas feutrés et ouvrit la porte de l'habitation. Le Prince, tel un baryton faisait ses vocalises dans la salle de bain. La pièce principale scintillait de boites métalliques cabossées. La saleté était volatile et s'éclairait au contact des lames de lumières qui filtraient à travers les stores. L'odeur caractéristique faisait le tempo de cet ode au chaos d'appartement. Des armes en piteux états sonnaient comme la preuve de l'incapacité du locataire. Et comme point d'orgue à ce capharnaüm un grand moniteur informatique brisé suivit d'un bouquet final de plants de cannabis énormes surplombés de puissants éclairages et dégoulinant de leur terre. Cette symphonie de bordel laissait un question en suspens : comment un type comme lui avait réussi à se procurer cette plante et avait réussi à la cultiver si parfaitement dans un tel endroit ? Le mystère restait entier.


Juno macula l'un de ses imposants couteaux d'une substance translucide violacée et pénétra dans la salle de bain. Le pauvre Jordi était assis, nu comme un ver, dans une bassine en fer blanc. Son visage démasqué se crispa de terreur quand il aperçu l'assassine face à lui. Il gesticula maladroitement pour sortir de son bain, ne manquant pas de déverser toute l'eau sur le sol, et se prépara timidement au combat.
"-Tu ne l'emporteras pas au paradis, grelota-t-il lamentable.
-C'est moi qui t'emmène en Enfer, lança Adora de sa voix la plus sinistre."
Pris de panique le nu s'élança contre elle qui d'un geste élégant esquiva son attaque en l'envoya dans le mur et lui taillada superficiellement le flanc. La blessure saignait beaucoup mine de rien, c'était bon signe, le poison n'agirait que plus vite. Il fallut parer encore trois autres coups de plus en plus faiblard, sans oublier la petite lacération qui l'accompagnait à chaque fois, avant que le Prince ne s’effondre dans la flaque d'eau savonneuse à ses pieds. Les effets du venin l'avait complètement assommé pour une journée entière. Il n'y avait pas beaucoup de sang, mais suffisamment pour que l'ange déchue signe son passage d'un pentagramme au centre du mur gris. Ensuite elle emballa le corps de sa victime comme on drape un cadavre pour aller l'enterrer dans les terres désolées de la capitale et empocha son bonnet troué. Elle n'eu à se justifier qu'une fois de son bagage auprès de la milice du métro avant de sortir des profondeurs de la ville. Un trajet rude s'annonçait à trainer ce poids mort sur les kilomètres qui la séparait du territoire de son gang. Elle privilégia les recoins des ruines pour son voyage en gardant un œil attentif autour d'elle. Un affaire rondement menée ! Il fallait espérer qu'elle porte ses fruits.

Spoiler:

Après que l'énergumène paranoïaque qui se révélait être le frère de Ballard (comment diable pouvait-il y avoir une telle différence?)  Toutefois la renégate s'abstint de tout commentaire étant donné la générosité de Franck et de plus il serait malvenu de critiquer un homme mentalement instable.

-De quoi on parlait déjà ? Ah oui, tu faisais parti du Trident alors ? Tu connais un peu le milieu non ? Bizarre qu'on ne se soit jamais croisé avant.
-C'était il y a huit ans, j'étais courtière d'information pour le compte du trident, mais je crois que toi tu étais déjà connu à l'époque. Moi, disons que j'ai dû partir à cause d'une partie non respectée de mon contrat.

La négrière s'abstint toutefois de mentionner son départ plutôt explosif du trident après qu'elle ait dû se débarrasser de trois assassins et s'extirper la balle qui s'était logée dans son épaule seule. Peut-être qu'il en avait entendu parler. Mais le passé appartenait au passé et il serait stupide de ressasser les vieilles histoires qui ne feraient avancer en rien le présent hormis de répandre la discorde dans les rangs d'une faction naissante en lambeaux.

-Ton frère, il n'a pas peur d'attirer l'attention? Je veux dire, le fait que ton frère ait volé une dague Malebranche et qu'en plus tu héberges une fugitive de l'Arc qui, si elle parlait de ce qu'elle sait à la FNF entraînerait sa destruction. J'ai bien peur que certains soient assez cons où appâter par le fric à se faire pour essayer de tuer ton frère ou moi. Au fait, le trident n'a jamais rencontré des difficultés avec la milice, la mafia ou les chasseurs de primes? Métrop' reste un repaire de fourbes et de timbrés malgré la FNF.

Il fallait doucement mais sûrement approcher du sujet de l'armurerie et des flingues. Une vraie arme et pas une simple machette avec pistolet ne ferait pas de mal, un pistolet à énergie par exemple. Son corbeau avait beau la suivre en permanence, quand elle descendait dans des lieux clôt le piaf ne pouvait plus suivre la cadence. Trop de recoin, pas assez d'angle mort pour une attaque en piquer. Et l'absence d'un bras empêchait la négrière de manier un fusil à pompe, qui pourtant serait un véritable Graal en ses temps troublés.

Ballard ne fit aucun commentaire sur le passé que lui révélé Isabelle. Des règlements de comptes au sein même du Trident il y en avait souvent, ce n'était pas étonnant que la carrière de mafieuse de la négrière ait fini ainsi. Ils quittèrent la fabrique 8 pour prendre la direction des profondeurs des Champs Elimés. Le lieutenant du Trident fit un signe aux deux balourds qui les suivaient encore pour leur faire comprendre qu'ils pouvaient à présent les laisser.

« Ahahah ! Fait moi rire Célia. Ici c'est le Trident qui domine et c'est pas de pseudo sorcière avec leurs totems magiques qui nous ferons peur à moi ou mon frère.
Ici la mafia c'est nous, la milice c'est nous et les Chasseurs de Primes c'est nous aussi. Et les fourbes et les timbrés ? C'est nous aussi !
Tu me diras peut être que je surestime le Trident, mais je te répondrais que tu le sous-estime. Tu n'as pas idée de la puissance du Baron. Le tout Paris est à notre botte. Tient on arrive chez moi. »

Un croassement aigu fit retourner le lieutenant, mais il ne vit rien dans l'ombre des tunnels.
L'habitation de Franck Ballard était composée de deux wagons alignés qui paraissaient luxueux par rapport aux autres habitations de Métropolitopia mais qui restait tout de même un logement de fortune. L'intérieur avait été refait, les banquettes et barres métalliques avaient laissé place à un ameublement qui aurait fait passer le wagon pour un appartement comme les autres.
Le premier wagon était le salon/cuisine, avec un canapé recousu de partout (un luxe), un poste radio sur un meuble d'avant guerre rénové (un luxe) et même une petite cuisine raccordée à un réchaud (encore un luxe!). Mais le luxe du luxe était que ce wagon était l'un de rare à avoir l'électricité et l'eau courante.
Le second wagon, séparé par un rideau en velours du premier, était la chambre et la salle de bain.
Un grand lit au drap de soie qui en avait vu passer et une sorte de douche raccordée au réseau d'eau qu'il fallait actionner avec une pompe.

« Nous voilà chez moi. »

Un aboiement surprit Isabelle avant qu'un molosse à poils noirs n'arrive précipitamment pour sauter sur Franck Ballard.

« Doucement Psycho, oui moi aussi je suis content de te voir. »

Le lieutenant caressa le museau du chien qui lui léché le visage. Dressé sur ses deux pattes arrières, l'animal arrivait à la taille de Ballard qui n'était pas le plus petit des hommes. Quand il se calma, Isabelle put constater que c'était bien un vrai chien et non un radcaniche.

« Je te présente Psycho, n'ait pas peur, lui non plus ne va pas te sauter dessus. Il est comme son maître, il sait faire la différence entre les collègues et les p... et les autres.
Un verre ? Fait comme chez toi. »

Ballard referma la porte du wagon en actionnant un levier et tira les rideaux toués.
Il s'approcha d'un meuble, y sorti deux verres brunis par le temps, puis une bouteille.

« Du whisky d'avant guerre. Du pure, le meilleur. Tu peux prendre une douche, il y l'eau courante. Elle ne sera pas très chaude mais c'est mieux que rien. »

-Du whisky d'avant guerre. Du pure, le meilleur. Tu peux prendre une douche, il y l'eau courante. Elle ne sera pas très chaude mais c'est mieux que rien.
-J'apprécie, du whisky d'avant-guerre, ça du te coûter une fortune ou alors nous allons consommer un héritage qui se lègue de génération en génération? Ironisa Isabelle. C'est un magnifique chien que tu as là, un berger allemand je suppose, Psycho c'est un joli nom pour un bel animal.

Sirotant tranquillement son verre, la renégate s'était abandonné à la contemplation de l'appart de Ballard, plus douillé que la tente qu'Isabelle partageait avec son apprenti et Jeanne. Mais cet endroit, était plus solennel, moins chaleureux que le nid douillet de l'ancienne négrière, mais il fallait avoué que ce lieu avait un style qui lui était propre. Peut-être que si elle se plantait dans sa vengeance elle pourrait revenir au trident et reprendre son ancien travail avec l'expérience qui lui manquait quand elle s'est en allé. Mais il était plus que probable qu'elle se tire une balle où qu'elle se fasse tuer si la vengeance lui filait entre les doigts. D'autant plus que son projet était ambitieux, il ne s'agissait pas simplement de laisser un cadeau empoisonné à l'Arc mais bien de lui pourrir la vie jusqu'à ce qu'il abdique. Macabre avait sans doutes plus d'un tour dans son sac, mais la renégate pouvait toujours pactiser avec des psychotiques et le trident sans l’œil de la FNF sur le dos. D'ailleurs où était son corbeau? Il semblait qu'il avait décidé de la suivre dans les tunnels de la ville mais elle n'avait plus de nouvelle depuis qu'elle avait croisé Ballard. Pourtant l'animal se manifesta de lui-même, lâchant un croassement aigu qui émanait de derrière la porte d'entrée.

-En parlant d'animaux je crois qu'on vient d'entendre mon piaf.

Malgré le rideau qui cachait la vitre, on pouvait clairement entendre le volatile toqué à la vitre avec hargne. Loyauté envers sa maîtresse qu'il croyait captive où juste stupidité profonde assortit à un manque d'affection chronique? En cet instant Isabelle ne saurait le dire.

-Je lui ouvre où tu veux qu'il reste dehors?

Chient et chat ne faisaient pas bon ménage, quand était-il pour chien et oiseau?

Ballard resta affalé dans son canapé à siroter son whisky pendant qu'Isabelle alla voir son oiseau frapper à la fenêtre. Le lieutenant en profita pour lui reluquer le postérieur qui n'apparaissait que vaguement derrière ton treillis. Déçu de ne pas en voir plus il replongea ses yeux sur le liquide brun.

« Laisse le dehors, il sera mieux. En tout cas il viendra pas chier sur le canapé et il n'excitera pas Psycho. Il en a bouffer des plus gros que ça tu sais. Limite si il ne s'attaquerait pas à une banshee. L'autre fois il m'a ramener un raliéné de la traille d'un gros chat. »

Isabelle revint s'asseoir sur le canapé qui officier en face d'un magnifique tableau que Ballard avait acheté à des récupérateurs de Nécrotopia. Autrefois il avait du être exposé au Louvre, maintenant  il était ici à pourrir dans l'humidité du métro. Les couleurs étaient ternes à moitié effacées et la peinture craquelée de toute part. Difficile à dire si c'était la chute des bombes ou bien le manque de soin de son nouveau propriétaire qui avait causé cela.

« Reprends tu un peu de mon héritage ? »

Lui proposa Ballard un sourire charmeur au coin des lèvres, lui tendant la bouteille de whisky prêt à verser l'alcool.

« Parle moi un peu de toi Célia. D'ailleurs pourquoi tu veux que je t'appelle Célia alors que tu m'as dit t'appeler Isabelle ? Tu n'aimes pas ton prénom ? »

Spoiler:

-Avec joie.

Se faisant resservir un verre de whisky de la part de son hôte. Celui-ci posa la question fatidique, pourquoi tel ou tel nom? Il voulait savoir pourquoi elle utilisait son "vrai" nom alors que les terres désolées la connaissant sous le nom d'Isabelle Jager, l’infatigable, l'implacable. Pourquoi prendre un nom tout à fait bateau et inconnu quand on était presque à l'état de légende vivante des terres désolées et de l'Arc? La réponse était toute simple : l'anonymat et la liberté d'action.

-Pourquoi est ce que je veux que tu m'appelles Célia? C'est pour la simple est bonne raison que c'est mon ancien nom, avant de devenir Isabelle Jager l'esclavagiste froide et rude j'étais Célia Lesproux. Une pauvre gamine que sa mère a abandonnée a douze ans pour la cadette de six qui était bien plus intelligente que moi. Mais pour recadrer le tout il faut que je précise et que j'étais la fille illégitime d'un dealer du trident et d'une femme déjà mariée. Après, pourquoi ma mère a choisi de me garder, mystère, peut-être qu'elle ne voulait pas que sa progéniture devienne une trident. Peut-être qu'elle n'a pas percuté sur le coup que j'étais une bâtarde. De douze à seize ans j'ai été une gamine normale à apprendre des choses moins normales, comment fabriquer de la meth par exemple. J'ai aussi changé de nom à cette période, j'ai pris celui de mon père et j'ai réservé l'ancien aux très bons amis et à la famille. Seize-vingt ans, j'ai été une courtière d'information du trident qui finit par démissionner après une balle dans l'épaule alors "qu'on devait veiller sur moi", ensuite eh bien je suis devenue négrière, j'ai grimpé les échelons de la hiérarchie à une vitesse folle et je suis devenue la tueuse et espionne personnelle de macabre. Après, disons que les neuf derniers mois de ma vie ont été plutôt secoué : je recroise ma demi-sœur, Irène Lesproux qui est devenue une gentille Lutécienne qui adore la mécanique, mon demi-frère est un peintre tout ce qu'il y a de plus banale. Puis première rixe avec Macabre en reprenant une esclave acheté en tuant son propriétaire, ironie du sort c'était Irène qui s'était fait chopper par mes collègues. Ensuite je signe un contrat avec une étrangère qui tient un bordel, celui où je me terrais et ensuite, la vente aux enchères et la soirée du Dingue. Puis mon expulsion de l'Arc, je me souviens mot pour mot de ce qui s'est dit : "La perte de cette vente régulière à ce... Louis Marie, serait un sacré coups pour nos revenus."
"Et si nous continuons à fournir des esclaves à ce dégénéré... et que la FNF avait vent de cela ?! Hein ?!!
Je vendrais nos marchandises à tout les PUTAIN de dégénérés de cette ville si notre plus gros client, et de LOIN, notre chère Gouvernement ne nous imposait pas leur PUTAIN de limites "morales" !"

Son visage se durcit en évoquant se souvenir. Intérieurement, la rage qui l'envahissait lui donnait de se déchaîner et elle l'aurait fait si elle n'avait pas été chez Ballard, pour au final et sur le long terme voir la tête de Macabre sur une pique. Le simple fait d'imaginer l'expression de terreur figée sur le visage de ce trouillard faisait sourire la renégate qui allait tuer celle qu'elle avait loyalement servie.

-Ballard, j'utilise le nom de Célia car Isabelle Jager est une légende de l'Arc. Moi, je suis qu'une brune aux yeux noirs qui est orpheline. Rien de bien dangereux à l'horizon non? Celia Lesproux est une souris, Isabelle Jager une harpie. Je ne compte pas circuler longtemps sous le nom de Célia, le temps que Macabre se document sur moi il est possible que je sois déjà ailleurs dans la capitale sous un autre nom.

« Tu réserves ce nom à la famille ou aux très bons amis ? » marmonna t-il trop faiblement pour la négrière entende. Il était un peu surprit qu'elle le considère comme un très bon ami alors qu'ils ne se connaissaient pas tant que ça.

Il écouta la suite du récit que d'une oreille. Franck n'avait jamais entendu parler d'une Isabelle Jager même si cette dernière d’auto-proclamait « légende de l'Arc », peut être était-elle connue parmi les siens, mais en dehors jamais l'important lieutenant du Trident ne connaissait son existence.
Par contre, il avait connu un Jager et c'est cela qui le tracassa.
Il avait donc devant lui la fille de celui que l'on surnommé Jägermeister (raccourci rapidement en Jager), du nom de la liqueur qu'il buvait tout le temps, un dealer.
Le lieutenant se souvint l'avoir croisé plusieurs fois et souvent accompagné d'une jeune fille qui devait être Isabelle, finalement il l'avait bien rencontré dans le passé. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas revu le père Jager, peut être était-il mort qui sait ?

Quand Ballard revint à lui son verre était vide et Isabelle était en train de citer l'Homme Macabre.
C'était donc ça le grand secret qu'elle gardait, l'Arc vendait en secret des esclaves à Louis Marie. Eux qui refusaient de vendre aux Wendigos vendaient à pire qu'eux ?
C'était absurde, mais les propos d'Isabelle se tenaient.
Isabelle finit de parler, son frère aussi était vide. Le silence ne fut perturber que par les croassements d'un corbeau à l'extérieur du wagon.
Franck prit un air triste.

« Tu sais... je suis un peu comme toi, moi non plus Franck Ballard n'est pas mon vrai nom... »

Il baissa les yeux et fixa son regard sur son verre vide, lissant le bord avec son pouce.
Puis il leva des yeux pleins de tristesses vers ceux d'Isabelle.

« Autrefois j'étais connu sous le nom d'Esméralda l'Obscène, meilleur gagneuse du Moulin Rouge ! »

Il éclata de rire et posa son verre sur une petite table à côté du canapé.

« Oh ça va Jager, je sais que la vie n'a pas été tendre avec toi, surtout ces derniers temps, mais il faut savoir rigoler, garder le moral et prendre plaisirs des petites choses de la vie.
Il faut savoir... prendre du bon temps. »

Ballard s'approcha doucement d'Isabelle, sans geste brusque, voyant si elle allait répondre à ses avances.

Spoiler:

Isabelle rit à la blague de Franck, mais apparemment, l'homme avait d'autres projet en tête, il s'était rapproché d'elle lentement mais sûrement. Sans doutes en quête d'un peu de bon temps comme il l'avait dit, mais si son objectif était de coucher avec la renégate. Sans aucun doute, cela se sentait à son attitude, comme si Isabelle n'avait pas dû gérer ce genre de prédateur une bonne partie de sa vie. Mais toutefois, il y avait des choses que même son orgueil refusait en ce genre d'instant, comme le fait qu'un homme essaie de lui sauter dessus en à peine une heure de dialogue. Même s'il essayait de faire ça avec tact, ça restait une tentative de drague frisant l'obscénité totale. Le charme de Ballard opérait sur bien des femmes, mais la renégate n'était pas une fille ordinaire et surtout elle avait des projets.

-Quand j'ai envie de passer du bon temps il est vrai que je m'oriente vers ce genre de sport. Elle croisa les jambes. Se remémorant les paroles de la goule "ne pas contrarier le client qui serait moins enclin a faire des concessions." Mais j'aime chasser aussi et toi, bel homme, aimes tu chasser?

C'est bon, un "tu baises le premier soir où tu peux attendre une journée?" aurait suffi. Lâcha l'orgueil.

Elle fit un sourire suggestif à Ballard, jusqu'où irait-il? C'était la grande question qui ferait la différence entre ce qui se passerait après l'entrevue avec Médéric d'autant plus qu'elle n'était pas certaines de ce qu'il ferait s'il s'offusquait de la remarque de la renégate. Après tout, ce devait-être rare qu'une fille lui résiste, mais que ferait-il si on lui proposait de chasser un peu avant d'attaquer le gros morceau? Devait-elle en attendre autant de la part du mafieux? Peut-être. Elle verrait et elle aviserait.

Ballard s'approcha encore plus prés d'Isabelle. Il sentait son charme faire effet sur la jeune femme.
Les deux verres de whisky pur lui montaient un peu à la tête, faut dire qu'il n'avait pas beaucoup manger ce soir, mis à part une brochette de raliéné qui lui avait coupé l'appétit, l'alcool avait donc vite fait son chemin dans organisme à jeun.

« Si j'aime chasser ? Je suis un chasseur hors pair, le genre qui ne rate pas une cible.
Mais je sais être patient, attendre dans l'ombre l'arrivée de ma proie et bondir lorsqu'elle se décide à faire un geste. »

Un croassement aigu suivi d'un aboiement cassa l'ambiance naissante.

« Bon... on baise ? »

Spoiler:

A l'aube, même si ce terme n'avait pas vraiment de sens dans les profondeurs du métro, un type vint frapper au carreau du wagon de Franck Ballard.
Isabelle dormait encore et le lieutenant vint ouvrir en robe de chambre rouge velours, un truc qu'il avait récupéré chez Luigi.
A la porte se tenait un grand costaud en costume, l'un des deux gars qui avaient un temps accompagné Isabelle et Ballard. Il venait faire son rapport auprès de son patron et ce dernier en profitant pour le charger de demander une audience dans la matinée auprès du Baron.
Quand Ballard tira le levier pour refermer la porte du wagon, Isabelle était levé. Il l'accueilli avec un large sourire.

« Un petit déjeuner ma chère ? »

Ballard n'était pas du genre à manger le matin, il n'avait donc pas grand chose à proposer à son hôte. Il ouvrit quelques placards et réussi à trouver du pain à moitié dur, du beurre au lait de brahmine et un restant de café qu'il fit réchauffer. Après cela il prit un douche rapide à l'eau glacé puis s'habilla en remettant les mêmes vêtements que la veille. Même en étant un puissant lieutenant du Trident, ce n'était pas évident de laver ses habits et il fallait bien faire des économies.
Il finissait juste de lasser ses chaussures quand on revint frapper au carreau. C'était son homme de main qui revenait, l'audience était fixée à 10h.



Le wagon du Baron était l'un des plus luxueux de Métropolitopia, voir le plus luxueux de tous.
Son bureau était composé de deux voitures. On entrait du quai bien gardé par la première qui constitué une sorte de petite salle d'attente. Il y restait quelques banquettes où étaient avachi des membres du Trident à l'air droguée, fumant leurs Radapples qui enveloppaient tout le plafond d'une légère fumée grise. Le tout baignait dans une lumière blanche immaculée provenant du plafond.
Franck demanda à Isabelle de rester sur la quai pendant qu'il entrait.

« Tient, vla le Ballard. »

Un type portant des Dreadocks et des lunettes de motos sur le front se leva en tendant sa main ouvert vers le lieutenant.

« Salut Jules. Le patron est là ? Je dois le voir.
- Oui il t'attend justement. Qui c'est ?
- Une négrière ambitieuse. C'est elle qui veut voir le patron, je l'accompagne.
Elle doit discuter affaire avec lui.
- En parlant d'affaire tu m'as toujours pas raconté les enchères.
- Il n'y a rien à raconté Jules. J'ai même pas réussi à parler au Maréchal comme la patron m'avait demandé. Ce con s'est barré en nous disant que la salle était piégée.
- Ahaha ! Et t'as réussi à avoir quelque chose au moins ?
- Non. Mais il n'y avait rien d'intéressant pour nous et les prix s'enflammés. Mieux vaut se servir de notre argent autrement. »

Après quelques minutes, Ballard revint retrouver Isabelle qui attendait. Il l'emmena dans le wagon rencontrer enfin le chef du Trident, Prospère Médéric dit le « Baron ».
Son bureau était sombre, des volets de fer empêchaient la lumière extérieur d'entrer et seule une petite lampe de bureau était allumé. Dans l'ombre deux gardes bien armée étaient posté, debout, coulés sur le mur du fond.
Ballard invita Isabelle à s'asseoir sur l'une des deux chaises devant l'imposant bureau du Baron. Celui ci se tenait derrière, son visage répugnant bien éclairé sûrement pour qu'Isabelle le discerne bien.

« Jager... Jager... Ce nom ne m'est pas inconnu... L'un des notre portait ce nom et je me souviens qu'il avait une fille qui travaillait aussi pour nous. C'est toi n'est uce pas ? Que revient tu faire parmi nous ? On m'a dit que tu avais des informations sur nos récents concurrents. Je suis tout ouïe. »

-Bon on baise?

Pauvre Franck qui s'acharnait à jouer les subtiles et qui se faisait interrompre par l'oiseau de sa conquête et par Psycho, son chien. Il en avait finit par jouer la dernière carte de la séduction en demandant tout simplement à la renégate de s'envoyer en l'air avec lui. Simple plaisir charnel ou y avait-il des sentiments derrière, après tout, si le lieutenant du trident s'était décidé à coucher avec une "collègue". C'était que celui-ci était en manque total, où alors le représentant de Médéric avait juste envie de passer du bon temps avec une manchote, tant qu'il n'avait pas d'étrange perversion cela convenait à Isabelle.

-Pourquoi pas.

Son sourire suggestif était assez éloquent et de plus, deux semaines d'abstinences, c'était long.


Réveil léger, pas de cauchemars ou de retour à la réalité en sueur et pâle comme un linge. Juste la sensation de revenir au pays des vivants sans autres désagréments qui avaient rythmé son quotidien. Sans doutes que Jeanne et les autres avaient trouvé un endroit où dormir, un hôtel, une auberge, quelque chose du même tonneau. Quoi qu'il en soit, elle avait rendez-vous avec le baron à dix heures tapantes, la renégate renfila ses habits et choisit de ne rien avaler. De toute façon elle n'avait pas faim et en attendant l'heure d'y aller, elle fit les cent pas et quand le moment fût venu, Isabelle y alla en laissant son pistolet chez Ballard. Inutile de se balader avec un flingue au coeur d'un nid de vipères, la violence était exclue, à son grand regret. Mais la négrière se conforma aux instructions de Franck et vint lorsque le lieutenant du trident lui demanda.
Puis ce fût dans un "bunker" que la renégate entra : des volets métalliques qui empêchaient la lumière de filtrer, une lampe de bureau comme seule source d'éclairage, un bureau austère et deux mastodontes stoïques. C'était à se demander si les deux hommes n'avaient pas fini par devenir des éléments à part entière du décor à force de rester là. Si Isabelle était dans la pénombre ambiante, on ne pouvait dire de même de Médéric qui baignait dans la lumière, du moins son visage. Même si la renégate avait fait bien pire niveau déformation faciale, il restait évident que voir un visage aussi hideux que celui du baron lui donnait la nausée. Toutefois elle plongea son regard dans celui de son interlocuteur, elle était prête à tout pour sa vengeance, alors autant regarder clairement les choses que la renégate ferait pour obtenir son souhait.

-Jager... Jager... Ce nom ne m'est pas inconnu... L'un des notre portait ce nom et je me souviens qu'il avait une fille qui travaillait aussi pour nous. C'est toi n'est uce pas ? Que revient tu faire parmi nous ? On m'a dit que tu avais des informations sur nos récents concurrents. Je suis tout ouïe.

Un lointain souvenir vient de ressurgir. Celui où nous avons quitté le trident. Je pense qu'à cette époque en voyant cette face de crapaud tu te serais enfuie en courant. Dit l'intelligence.

Inutile de continuer à maugréer intérieurement, la renégate se lança.

-Je suis bien la fille de Léopold Jager et je suis venue échanger des informations contre d'autres, tout comme lorsque j'étais ici. Alors, commençons par l'essentiel : je pense savoir qui vend à Louis-Marie le Dingue depuis que vous avez cessé de lui vendre du psycho. Je n'ai pas de nom, mais je connais de visage deux personnes qui sont assez intelligentes pour pouvoir vous concurrencer : un humain et une goule, l'un tellement parano qu'il a essayé de me tuer la première fois que je l'ai rencontré, l'autre trop intelligent pour tomber dans un piège. Concernant l'humain, c'est un type plus petit que moi, le visage osseux, les cheveux noirs, peut-être châtain. C'est plutôt dur de reconnaître quelqu'un dans l'obscurité. Bref, cheveux noirs et courts, les yeux cernés quand je l'ai vu, un corps maigre, c'est évident que c'est un dealer qui consomme ce qu'il vend. Je crois qu'il a les yeux clairs, bleu je dirais. J'ai vu aucun signe distinctif et même s'il deal du psycho vous ne pourrez pas le prendre en flag' au premier coup : il cache son psycho dans une ou plusieurs planques où il fait ses petites transactions. Il le vend cher, deux fois plus cher que ce qui circule habituellement, trente-cinq anneaux et des poussières je dirais. Faudra payer pour voir son psycho, il vend de tout mais faut faire une petite trotte si on veut une dose.

Elle reprit son souffle avant de reprendre son monologue.

-La goule, je ne l'ai jamais vu hormis une fois quand elle m'a vendue une esclave, très intelligente, peut-être qu'elle cuisine, peut-être qu'elle dirige un petit réseau et que l'humain n'est qu'un sous-fifre. C'est un homme qui est en rapport avec la dope, c'est certain et il ne s'est pas revendiqué du trident quand j'ai parlé avec lui. Plutôt malin, des cheveux noirs, pas trop irradiés, c'est loin d'être un zombie comme certaines goules, la peau relativement saine même s'il y a pas mal de cicatrices et de brûlures. Les yeux, les oreilles, le nez, tout est en état, mais il manque le lobe droit.

Sentant déjà une remarque assassine de la part du baron, la renégate prit les devants et rajouta :

-Je suis parfaitement consciente que tenter de négocier alors que je ne suis pas sur mon territoire est une gaffe à ne pas faire. Mais je n'ai pas terminé de tout dire : je connais le nom de l'esclave que m'a vendu cette goule, je connais la localisation de la planque où m'a emmené le dealer et à l'Arc je connais quelqu'un qui m'a aiguillé vers l'humain. Après, j'aimerais savoir si avant de terminer mon petit monologue assommant ce à quoi j'aurais droit en retour, car je cherche trois personnes.

Dès qu'Isabelle avait prononcé le mot « goule » les yeux du Baron s'était écarquillé et son intérêt fut plus intense. Associé le mot goule et psycho et le chef du Trident avait de suite en tête le visage de cette crapule qui n'avait jamais voulu lui vendre sa recette. La description physique ne fit que renforcer son intuition.
Le Baron fixa ses yeux sur Franck Ballard pour le questionner du regard. Celui ci était assis élégamment sur la chaise, son bras posé sur l'accoudoir sa main caressant son menton. Il fit tourner cette dernière négligemment.

« Cédric Glanar peut être ? Ou bien ce gars là, Arnold Abdek ?
- Je penserais plutôt pour ce dernier Franck. Il y a qu'Habdaïk pour faire du psycho d'aussi bonne qualité.
- Mais il est pas censé être mort ? On m'a dit qu'il s'était fait bouffer par des chiens comme ses complices ?
- Non, il a échappé aux chiens je crois, et la description lui correspond bien. Cette goule est pleine de surprise, elle s'est finalement relevée de notre attaque. Une idée pour l'autre type ? »

Franck haussa les épaules.

« Un gars maigre avec des cheveux noirs... y'a plein de drogué qui correspondent à cette description. Je ne saurais vraiment pas quoi dire. »

Le Baron retourna sa regard sur la négrière.

« Où on peut trouver cette esclave ? Et cette planque ? »

La tension montait un peu, le Baron avait un peu haussé le ton pour force Isabelle à cracher le morceau. Franck Ballard intervint.

« Monsieur, elle n'a pas tout dit. Elle possède aussi un moyen de pression sur l'Homme Macabre qui pourrait le faire tomber. On sait tous que vos relations avec lui ne sont pas au beau fixe alors ça serait peut être un moyen de le remplacer non ?
- Macadre ? Qu'est ce que ce *** vient faire ici ? Nous parlons de ces concurrents qui nous échappent depuis plusieurs mois.
- On les aura monsieur, mademoiselle Jager nous offre une bonne piste, tout ce qu'elle veut en échange ce sont des informations sur sa sœur Laura Jager et sur deux types.
- Jamais entendu parler d'une Laura Jager.
- Le réseau du Trident pourrait peut être se pencher sur la question monsieur. Il doit bien y avoir quelques rumeurs non ? »

Le Baron s'enfonça dans son siège, mettant son visage dans l'obscurité.

« Appelez moi Yvon Spen et dite lui de rechercher des informations sur une Laura Jager. C'est notre meilleur courtier en information, vous avez peut être déjà entendu parler de lui vous qui étiez dans la même branche ? S'il y a quelque chose à trouver il le trouvera. »

Le Baron remit son visage hideux dans la lumière, posant ses coudes sur son bureau.

« Avant de parler des deux autres types dite nous le nom et la localisation de l'esclave de la goule.
Ensuite vous nous direz la localisation de la planque de l'humain et le nom du négrier qui le connaît après que je vous ai révéler tout ce que l'on sait sur les deux types que vous recherchez. Ce marché honnête vous va t-il mademoiselle ? »

Isabelle croisa le regard insistant de Ballard, lui indiquant qu'il était mal venu de négocier avec le Baron, surtout dans son propre bureau.

-Avant de parler des deux autres types dite nous le nom et la localisation de l'esclave de la goule.
Ensuite vous nous direz la localisation de la planque de l'humain et le nom du négrier qui le connaît après que je vous ai révéler tout ce que l'on sait sur les deux types que vous recherchez. Ce marché honnête vous va t-il mademoiselle ?

Pour mieux te trouer la peau ensuite, attention à ce que tu vas dire. Peut-être que négocier est la meilleure solution pour s'en sortir en vie et avec les infos. Proposa l'intelligence.
Par expérience, je sais que je déteste qu'on essaie de négocier quand je fais une bonne offre bien équitable alors je te suggère d'éviter quand même. Ajouta l'orgueil.

Il est vrai que négocier n'était pas une excellente solution et tout refourguer en priant pour l'échange se passe comme prévu relevait d'une naïveté affligeante : Ballard avait les infos sur Macabre, le baron celles sur ses concurrents et elle, plus rien qui ne justifie sa survie. Son instinct de survivantes des terres désolés réfléchit à une vitesse alarmante à toute les façon de s'en sortir vivant. Puis c'est là qu'elle eu l'illumination.

-C'est équitable, j'accepte, la récupératrice s'appelle Marie, c'était une freelance je crois. Je l'ai vendu à une ferme de plantes oasis au Nord dans la périphérie pour une belle somme. C'est une exploitation géré par un p'tit vieux qui s'appelle William Delacroix.

Le baron doit être content j'imagine, maintenant à toi de réclamer ta part du gâteau.

-Je cherche deux hommes, des sous-fifres de Victor Malherbe. Les derniers qui restent je crois, ce nom vous dis quelque chose?

Dès qu'Isabelle révéla le nom et la localisation de la récupératrice, le Baron claque des doigts pour appeler son second homme de main dans son dos.

« Toi aussi va voir Yvon, demande lui des informations sur ce William Delacroix. »

Sans dire un mot le garde quitta la pièce. Le Baron remit ses coudes sur son bureau, regardant Isabelle dans les yeux avec un petit sourire au coin de la bouche, enfin, ce qui pourrait s'apparenter à un sourire, le visage déformait du mafieux ne permettait pas de distinguer ses expressions.

« Tient, c'est amusant, c'est la deuxième fois en deux jours que j'entends ce nom de Victor Malherbe. C'est le nom du chef de "l'organisation du masque blanc", une bande de justicier ridicule qui s'en est prit à plusieurs de nos dealers. Récemment un membre du gang s'est enfin fait prendre. »

Le Baron émit un rire léger, s'imaginant surement ce qu'avait pu subir ce membre du Masque Blanc.

« Ce type nous a gentiment révélé qu'il travaillait pour Victor Malherbe, mais s'il nous l'a dit c'est parce que ce dernier est mort. On a été se renseigner sur ce Malherbe, un gars sans histoire, avec femme et enfants qui vivent dans un wagon minable de Métropolitopia. Je dois avouer que j'y croyais moyen, c'était un peu improbable que ce type soit le chef d'un groupe de justicier qui a pu nous poser autant de problème, mais maintenant que vous m'en reparler cela confirme que c'était bien lui. Nous allons pouvoir rendre une seconde visite à sa famille, hé hé hé. »

Le Baron se renfonça dans son siège, cachant à nouveau son visage ignoble dans l'ombre.

« Le type n'a rien voulu nous dire d'autres. Pas un mot sur lui ni sur ces amis.
Peut être que vous pourriez vous montrez plus persuasive que nous mademoiselle Jager. On le garde toujours dans l'une de nos "chambres d'hôtes", Franck va vous y conduire.
Maintenant, parlons de cette planque et de votre collègue à l'Arc. »

-Le type n'a rien voulu nous dire d'autres. Pas un mot sur lui ni sur ces amis.
Peut être que vous pourriez vous montrez plus persuasive que nous mademoiselle Jager. On le garde toujours dans l'une de nos "chambres d'hôtes", Franck va vous y conduire.
Maintenant, parlons de cette planque et de votre collègue à l'Arc.

La renégate devait choisir ses mots avec précaution si elle voulait s'en sortit en un seul morceau d'autant plus que parler de l'Arc, c'était un sujet glissant. Très glissant.

-Mon collègue de l'Arc est un négrier spécialisé dans la chasse, c'est un type barbu et chauve qui a les yeux verts et la barbe rousse. Plus grand que moi, un colosse de muscle tout gentil : Fernand qu'il s'appelle. Concernant la planque, c'est un appart dans un immeuble en ruine des terres dévastés. Inutile d'essayer de le chercher, il est bien caché, mais suite à certains événements qui s'y sont déroulés elle ne doit plus vraiment être fréquentée par monsieur le dealer. Après ça vaut toujours le coup d'essayer.

Au risque et péril du trident évidemment, elle avait donné les infos.

-Bien, maintenant que nous avons terminé notre "marché", peut-être pourrais-je aller voir l'homme de Malherbe, peut-être que je réussirais à le faire parler. Après tout j'étais une négrière avant, la torture n'est pas un art qui m'est étranger.

Plus vite elle récolterait les infos que Louis-Marie voulait et qu'elle cueillait les deux hommes de mains de Malherbe et elle pourrait avoir son bras mécanique. Elle en avait besoin d'urgence! La renégate devait être au maximum de ses capacités si elle voulait renverser Macabre de son trône.