- Kof kof !
Portant rapidement son coude à sa bouche, étrange réflexe de survie dans un monde où l'on pouvait se faire trouer pour un crachat mal placé, Vince la Gâchette fut la victime de plusieurs toux douloureuses, se projetant l'image de lames de rasoir raclant le goudron fixé sur ses poumons confits par le tabac. Autour de lui, quelques badauds, Goules pour la plupart, marchaient tranquillement sans accorder la moindre attention à ce tableau devenu classique, banal. Après le crash, Paris était devenu le foyer d'un grand nombre d'épidémies plus ou moins virulentes et il n'était pas rare de croiser dans les ruelles en ruine un corps baignant dans une flaque d'acide gastrique, rongé par les vers et les Radpigeons. Seul un Radcaniche grogna aux pieds du chasseur de prime, rapidement calmé par le violent coup de pied de son maitre, un mutant borgne trainant la bête au bout d'une solide chaine en fer. Retrouvant avec peine son souffle, l'homme se redressa et s'assura de ne voir aucune trace de sang sur son manteau de cuir brun. Pas de crachat sanglant, votre santé est parfaite, merci Docteur, ce sera 100 canette et un coloscopie offerte par la maison. Amusé par sa pensée fugace, Vincent Lambert réprima un rictus et essuya ses lèvres du revers de sa manche.
Devant lui se dressait la Guilde des Chasseurs, un rade miteux parmi des centaines d'autres à Paris. Sa seconde maison, à lui qui logeait plus souvent sur les coins de comptoir que dans son pieu infesté par des punaises aussi grosses de son pouce. Là où il pouvait dissoudre le macadam, a défaut de le racler, a grand coup de gnôle frelatée et de détergent multiples-usages. Là où régnait en maitre Ab', ses jumelles et sa bande de bras-cassés. Un rapide coup d’œil à son dos lui assura qu'aucune patrouille de la FNF n'était de sortie dans le coin, pour l'instant. Autant dire qu'il aurait préféré éviter le moindre soldat pendant l'une de ses bitures, de peur de gâcher un alcool qui n'était déjà pas terrible comme ça. Profitant de l'inattention populaire, il ajusta son manteau et passa le seuil du bistro.
La musique grésillante qui s'échappait de la radio vint à calmer ses sauts d'humeur. Il était chez lui. La pièce n'était pas encore très bondée, à peine peuplée par quelques poivrots qui, probablement, ne quittaient les lieux que deux trois fois par semaine, ivres du soir au matin, puis du matin au soir, en deux temps. Alors que Vincent s'installa au comptoir, il cherchera les siamoises des yeux, cherchant a prendre la température du moment à la Guilde et, peut-être même, a obtenir plus d'informations sur le contrat que la FNF avait posé sur son joli crane gras. Ne trouvant ni l'une, ni l'autre -forcement-, il se vautra sur le meuble, appuyé sur ses avants bras, et brailla :
- C'est du self-service aujourd'hui ?