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 Les Toxicomanes Rêvent-ils d'Anges Electriques ?

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Saint Vincent de Räzell
Saint Vincent de Räzell
MessageSujet: Les Toxicomanes Rêvent-ils d'Anges Electriques ?   Les Toxicomanes Rêvent-ils d'Anges Electriques ? I_icon_minitimeMar 25 Sep 2012 - 12:36



Saint-Vincent ouvrit les yeux. Il était dans une chambre où tout était d'un blanc éclatant. Une fenêtre immense donnait sur l'extérieur, laissant entrer une lumière éblouissante dans la pièce. Sur un lit d'hôpital aux draps blancs, son ami Gizmo était allongé, des poches noires sous les yeux, le teint pâle. Il était sous perfusion sanguine. Vincent s'approcha de la fenêtre. A l'extérieur, la ville en ruine était recouverte par les eaux. Le soleil miroitait au gré des ondulations de l'océan. Sur les toits des quelques immeubles qui émergeaient, il y avait du sable, blanc, très fin, magnifique.
"Quelle vie, Vincent. Toutes ces années pour en arriver ici."

Vincent se retourna vers son camarade. Il semblait si fatigué et las de la vie. Il continua, d'une voix triste et mélancolique.
"Nous nous sommes battus, pour notre profit, c'est vrai, mais c'était aussi véritablement pour apporter un peu de bonheur et de liberté dans ce monde pourri. On a exploité des gens, mais on leur apportait tellement. Des moments de détente si inestimables."
Il se redressa un peu sur sa couchette. Il sonna pour obtenir une infirmière. L'infirmière arriva. Saint-Vincent se recula immédiatement de méfiance. L'Inconnu rendait irrationnel Saint-Vincent. Mais l'infirmière portait des ailes d'Ange, et son visage était si lumineux que d'un coup, la lumière provenant des grandes fenêtres semblait être de l'obscurité en comparaison. Elle tenait dans ses mains un petit couffin sur lequel était posé une seringue dorée.
"Il est temps pour moi de partir, Vincent."

Vincent tourna la tête vers son ami. Il voulait lui dire que son heure n'était pas encore arrivé. Il voulait lui dire que rien n'était encore fini. Mais les sons ne sortaient pas de sa bouche. Il articulait, hurlait, mais ses mimiques ne produisaient pas un bruit. L'Ange approcha de Gizmo et, solennel, débrancha la perfusion sanguine. Vincent courut vers la créature divine et donna un grand coup horizontal avec son avant-bras à l'Ange ... qui bloqua le coup sans la moindre peine. D'une pichenette dans la mâchoire, il renvoya bouler Vincent au fond de la pièce, contre les vitres, qui explosèrent en morceaux. Mais lui-même ne tomba pas, bloqué à l'intérieur de la pièce. Une très vive douleur s'empara de sa mâchoire, et en levant la main à sa bouche, il constata qu'il lui manquait plusieurs incisives en haut et en bas.
"Non ... Nooon ..." Il chercha à ramasser ses dents, perdues dans les éclats de verre, fouillant désespérément en se coupant les mains.
"Ne lutte pas, Vincent. Ainsi va la vie. Je dois mourir, et tu me rejoindras un jour. Je dois te laisser pour le moment. Ne lutte pas contre les Anges. Ils sont nos amis."
Vincent releva les yeux vers le sinistre spectacle. L'Ange lumineux perdit son éclat. Son faciès était monstrueux. Ses lèvres n'existaient pas. Son nez se résumait à une simple courbe très légère au milieu du visage, percé de deux trous. Ses dents, si pointues ... Et ses yeux entièrement noirs avec une pupille blanche au centre, inhumaine. Elle planta la seringue dans le bras de son ami, et aspira l'âme de Gizmo à l'intérieur. Vincent voyait dans la seringue, une fumée verte prenant parfois l'aspect d'un visage humain, tournoyant, piégé par le monstre angélique. L'Ange se fit un garrot au bras droit, et injecta l'âme dans sa veine en intraveineuse, comme Vincent s'était si souvent injecté des doses d'héroïne.
Vincent, encore à quatre pattes dans les bouts de verre, laissa couler une larme le long de sa joue. La voix rauque et stridente à la fois de l'Ange le sortit de sa torpeur.
"Vincent. Tu n'as pas à me craindre. Je suis ton ami. Tu n'as pas à craindre les Hommes, car aucun d'entre eux ne pourra te tuer, tant que tu seras sous ma protection. Je serai celui qui te tueras quand ton heure arrivera. Seuls les Anges emportent les drogués dans la mort. Mais ton heure n'est pas encore arrivé."

Vincent était paralysé de terreur. Des spasmes l'agitaient. La créature le tuerait un jour. Elle le tuerait ! Il était livide. Il faisait ton sur ton avec le reste de la pièce, si immaculée. L'Ange reprit son aspect brillant, étincelant de lumières, aveuglant. Puis il repartit d'où il était venu.

Pour Saint-Vincent, tout cela avait l'air si vrai, si réel, bien que tout cela fut hautement irréaliste. Après quelques minutes à la recherche, sans succès, de ses dents tombées, Vincent se releva et se décida à aller chercher de l'aide chez un dentiste. Il ouvrit la porte, et au lieu d'être dans un couloir au vingtième étage, il entra dans un immense préau de plein pied, au rez-de-chaussé, où une fine couche de sable blanc s'était déposée. Ce n'est qu'à ce moment précis que Vincent se rendit compte qu'il était pieds nus, et que les bouts de verres avaient coupés la plante de ses pieds. Le sable entrait dans ses blessures, et c'était très douloureux. Il s'assit par terre, comme un chimpanzé, enleva son t-shirt, et le déchira en deux. Avec les deux bouts de tissu, il enveloppa ses pieds pour se protéger du sable. Puis il se releva et continua son chemin, sans même que le fait de passer d'une chambre d'hôpital à un préau ensablé ne lui paraisse étrange. Il passa la langue sur ses dents toujours absentes. Il appela :

"Y a quelqu'un ?"

Le silence lui répondit. De l'autre côté du préau, il y avait une échelle métallique fixée au mur. Il monta, barreau par barreau, et poussa la lourde plaque métallique au plafond, une fois rendu en haut de l'échelle. Il sortit.



Il se retrouva alors sur une structure métallique, rouillée par endroit, couleur rouille et fer, perdue comme un îlot abandonné au milieu de l'océan qui s'étendait à perte de vue. Des rambardes en métal faisait le tour de l'île de fer. Le vent aux embruns salés était fort. La lumière venait de derrière lui. En se retournant sur lui-même, Vincent vit une jeune fille de dos, qui contemplait le Soleil, rouge orangé, se couché lentement à l'autre bout du monde, se perdant dans un horizon infini. Les cheveux de la jeune fille ondulaient dans le vent, en arrière. Elle était jolie. Une forme éthérée. Il n'osait pas s'en approcher, mais elle était si attirante, qu'il ne put résister. Il fit un pas en avant, puis un autre. Le vent emportait un parfum de roses qui se mêlait à l'odeur agréable de l'océan qui dansait au gré du souffle de Zéphyr. Il avança encore et arriva bientôt à quelques centimètres de la jeune fille. Il était si calme, si apaisé. Le tumulte et la violence incessante de Paris avaient totalement disparus, avaient quitté son esprit le temps d'un rêve. La jeune fille se retourna, et il put reconnaître les traits d'Athalia. Elle repassa les cheveux derrière ses oreilles. Vincent était muet, incapable de prononcé un mot.
"Vincent ..." murmura-t-elle, comme un souffle. Vincent déglutit. Elle était si jolie, avec l'océan derrière elle, et le soleil sur le déclin. Il voulut répondre, mais ses dents manquantes lui interdisaient d'ouvrir la bouche. Il aurait terrorisé la pauvre fille. L'angoisse et les complexes revenaient. Il ne savait pas quoi faire, et son cœur s'emballait. Elle s'approcha de lui et l'enlaça, ses bras autour de ses épaules.
"Pourquoi, Vincent ?"
Il posa sa tête sur l'épaule de la jeune fille, et comme elle ne pouvait plus voir son visage, il passa, stressé, sa langue sur ses dents restantes et ses gencives sanguinolentes à vif, avant de répondre.

"Pourquoi quoi ?"
"Pourquoi toujours vouloir te tuer et tuer les autres ?"

Il eut l'impression de recevoir un coup de poing dans le sternum, et il tomba sur le sol en métal, en douceur, retenu par les bras de la jeune fille. Il se mit en position fœtale et se mit à respirer fort et vite, prit de panique. La jeune fille lui caressait les cheveux, l'apaisant. Il cracha sa rage contenu, une bile noire, infâme. des litres et des litres, pendant qu'Athalia le serrait contre elle. Des larmes coulaient en silence le long des yeux de Saint-Vincent, et la bile, comme un ruisseau morbide, rejoint l'Océan. Les vagues grises et oranges se tintèrent d'un noir obscur. Le noir se propageait, et emplissait tout l'océan. A l'horizon le soleil se coucha, et bientôt, tout ne fut plus que noirceur. La nuit sans étoile et l'Océan de souffrance et de bile se confondaient et plongeaient Vincent dans un espace infini et sans la moindre lumière.
"Un jour, tu sauras que seul l'amour peut combattre la haine, Saint-Vincent de Räzell"

Il ouvrit les yeux.
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